« MEILLEURE VILLE DE L’ANNÉE » avec San Francisco pour le magazine anglais Wallpaper, « capitale secrète de la France » pour le New York Times…
Depuis 2013, Marseille semble avoir décroché son label de ville en vogue, entraînant la naissance d’une tribu identique à celle que l’on croise dans toutes les grandes métropoles : les bobos. « Aujourd’hui, on va à Marseille comme on va à Berlin, assure Alexandra Jubé, du cabinet de tendances parisien NellyRodi. Et, de même qu’à Berlin, il y a une réelle émergence d’une culture bobo ou « hipster », qui modifie l’identité originelle de la ville. » Le sociologue Jean Viard le confirme : « Ce flux de touristes et de nouveaux habitants date de l’inauguration de la ligne à grande vitesse Paris-Marseille en 2001, mais il s’est incontestablement accéléré avec la désignation de Marseille comme Capitale européenne de la culture en 2013. Cette « boboïsation » néo-parisienne revivifie le centre-ville. »
En témoignent les alentours du palais Longchamp, qui s’est transformé en aire branchée où ce nouveau public trouve des adresses à son goût – comme le Longchamp Palace pour prendre un verre au comptoir en zinc ou bruncher le dimanche. Dans le 7e arrondissement, c’est à La Relève, un ancien QG de chauffeurs de taxi qui vient d’être relifté en néo-bistrot, que l’on se presse à l’heure de l’apéro. « Les commerces changent petit à petit pour s’adapter à une nouvelle classe aisée qui investit désormais les appartements d’un centre-ville jusque-là assez paupérisé. Mais tous les arrondissements centraux ne se ressemblent pas.
Il faut distinguer l’habitant « culturel créatif » qui vit dans le 1er arrondissement du bobo plus bourgeois que bohème du 7e », précise Matieu Pons, directeur de cabinet de Patrick Mennucci, le maire actuel des deux arrondissements concernés. Dans le 1er, en lieu et place d’un ancien bar « interlope » situé derrière l’opéra et à deux pas du Vieux-Port, l’adresse du moment est le Burger’s Banquet. Ouvert en mars 2013, ce restaurant de burgers « mise sur un maximum de produits locaux », explique Grégory Gassa, l’un des deux associés. Après dix mois d’activité et un franc succès, la petite salle de 51 couverts s’est agrandie pour en contenir 100. « J’ai découvert une clientèle de petits jeunes branchés que je n’avais jamais vus auparavant à Marseille », poursuit-il, lui qui est aussi créateur de la marque de vêtements U-NI-TY. Son concept store évoque celui d’Allan Joseph, installé à deux pas, qui propose notamment les marques Acne, A.P.C. et des accessoires ou des bougies de chez Mad et Len. Autre esprit, mais même clientèle visée, chez Homenibus, une vaste boutique où le design scandinave contemporain côtoie le mobilier vintage des années 1950.
« CE SOUFFLE NOUVEAU est notamment dû à ceux qui découvrent la ville ou qui y reviennent. Ils regardent d’un oeil neuf ce que les Marseillais ne voient plus et créent de nouvelles choses », remarque Isabelle Crampes, de l’agence Nostre, chargée, entre autres, de la communication de la bien nommée boutique de mode locale Saint Honoré Paris. Jean Viard confirme : « Aujourd’hui, un grand nombre d’initiatives correspond à ces attentes. Mais il faudra voir si l’offre continue d’être à la hauteur sur le long terme, sinon cette nouvelle clientèle risque de repartir. » Tania Bruna-Rosso, ancienne journaliste de Canal+ récemment installée dans la cité, est plus optimiste. « En tant que bobo parisienne pur jus, je ne me suis jamais sentie aussi bien qu’à Marseille aujourd’hui ! » Au printemps, elle ouvrira, dans une ancienne boulangerie un peu défraîchie, le Bongo, un restaurant inspiré des cantines branchées californiennes.
source : lemonde.fr